09 Mai L’explosion des formats
Avant, il y avait les enseignes de périphérie et celles de centre-ville. Mais ça, c’était avant. Avant que les centres commerciaux s’installent de plus en plus au cœur des agglomérations. Avant que les consommateurs commencent à préférer la proximité aux usines à vendre, qu’ils soient en recherche de sens, d’intimité et de relations personnelles, mais aussi de gain de temps. Avant que le coût de l’immobilier explose et rende bien difficile la construction de grands flagships sur des belles avenues. Et, surtout, avant que l’e-commerce passe au-dessus de ces frontières que sont les formats et les zones de chalandise. Voilà pourquoi tous les distributeurs, ou presque, parient sur les ventes en ligne et le click & collect. Et pourquoi ils sont nombreux à s’essayer au format plus compact, plus lisible et plus digital. C’est ainsi qu’on peut voir à Paris des Boulanger Le Comptoir, un Decathlon City ou un Leroy Merlin L’Appart. Sans oublier l’Ikea de la Madeleine (lire pages 8 à 13), ou le drive piéton, façon E. Leclerc Relais, qui est un magasin compact 3.0.
Cette tendance, qui contrecarre des années de quête du gigantisme, répond au besoin de s’implanter là où son enseigne n’est pas, donc au cœur des grandes villes ou dans des lieux de flux (gares, aéroports…), mais aussi dans des villes moyennes. Idéal pour renforcer le maillage des zones de chalandise, le format compact permet d’aller au-devant des consommateurs en ne se contentant plus d’attendre les clients, mais en allant au plus près d’eux. Ces « modèles réduits » augmentent la fréquence des visites pour compenser la baisse des paniers en valeur. Les mauvaises langues diront qu’il n’y a rien de neuf sous le soleil, que ces enseignes découvrent la « proxi » bien après les autres. Mais elles apportent aussi des éléments nouveaux en se développant sous leur propre nom, là où souvent leurs concurrents ont créé des bannières spécifiques. Reste que le nom n’est pas suffisant : l’offre doit sortir du lot. Rien ne sert de loger dans 400 m² l’assortiment d’un magasin de 4 000 m². Il faut trier pour montrer des aspérités aux clients. Pour comprimer l’offre, on opte pour un assortiment large et peu profond, et on gonfle des familles pour donner de l’originalité au concept. Avec in fine le choix de la spécialisation ou de la miniaturisation. Mieux encore, on crée une offre temporaire à l’entrée du magasin. On multiplie les services (pressing, conciergerie, casiers, coaching…). Et on travaille avec les start-up (livraison…).
Cette stratégie présente cependant des risques. Il faut éviter de déraper sur les prix, malgré les surcoûts générés par ce format (baux, frais de personnel…). Même si, pour limiter les charges, certains conçoivent ces petites surfaces comme des « satellites » d’une « big box », la sacro-sainte question de la rentabilité n’est pas réglée. Pour y remédier, faut-il confier ses « compacts » à des franchisés pour un déploiement rapide, ou les gérer comme des intégrés puisque l’important n’est pas la rentabilité du site mais de l’enseigne dans sa globalité avec sa stratégie cross-canal ? Finalement, cette explosion des formats met indéniablement un coup de frein à une trop grande normalisation du commerce. Elle démontre que les distributeurs gèrent de moins en moins un concept mais de plus en plus une marque protéiforme, qui se décline selon les attentes et les besoins des consommateurs.
Source : LSA
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