Sézane, Le Slip Français : quand les stars du Web ont pignon sur rue
Votre pop-up store où vous voulez, quand vous voulez.
861
post-template-default,single,single-post,postid-861,single-format-standard,bridge-core-2.0.8,ajax_fade,page_not_loaded,,qode-title-hidden,qode_grid_1200,footer_responsive_adv,qode-content-sidebar-responsive,transparent_content,qode-child-theme-ver-1.0.0,qode-theme-ver-21.0,qode-theme-bridge,disabled_footer_top,qode_header_in_grid,wpb-js-composer js-comp-ver-6.1,vc_responsive

Sézane, Le Slip Français : quand les stars du Web ont pignon sur rue

C’est un des plus beaux emplacements du Sentier, en plein coeur de Paris. Un bâtiment de type haussmannien, à l’angle de deux rues passantes. Les magasins de vente en gros jouxtent les restaurants branchés et les espaces de co-working, où de jeunes startuppeurs pianotent sur leurs MacBook. C’est ici que Sézane a choisi d’implanter sa première boutique, fin 2015.

Parquet, canapés, meubles chinés : le lieu, baptisé « L’Appartement », se veut accueillant et chaleureux. Et les clientes s’y pressent pour découvrir vêtements, chaussures et pièces de maroquinerie imaginés par la créatrice Morgane Sézalory. Ce magasin est aujourd’hui la vitrine du succès de la marque Sézane, qui a depuis ouvert trois « Appartements » à Aix, New York et Londres, et possède un corner au Bon Marché, à Paris.

La boutique respecte les nouvelles règles du prêt-à-porter : elle offre une « expérience » aux clients, avec des services personnalisés, un personnel aux petits soins, et même une salle de cinéma au sous-sol. La jeune griffe parisienne, créée il y a six ans seulement, n’a pourtant pas l’expérience des grandes marques championnes du retail.

Sézane a d’abord séduit les internautes sur Facebook et Instagram avant de se lancer dans la distribution physique. La marque, très discrète sur ses performances, réaliserait environ 90 % de ses ventes sur le Web, pour un chiffre d’affaires qui dépasse les 80 millions d’euros, selon « Le Figaro ». Mais sa réussite illustre l’émergence d’un nouveau modèle dans le secteur : ces marques, nées sur le Web – appelées les « digitally native vertical brands » -, dont les noms s’étalent de plus en plus sur les devantures de magasins des grandes villes.

Créé en 2011, Le Slip Français a également sauté le pas-de-porte pour ouvrir sa première boutique en 2014. La marque de sous-vêtements branchée en possède désormais 15, un peu partout en France (une 16e doit ouvrir en juin à Paris) ; elles contribuent à environ un quart du chiffre d’affaires de la jeune société. « Dès le départ, on savait qu’il fallait ouvrir des boutiques. Cela faisait partie du projet », se rappelle Guillaume Gibault, le fondateur du Slip Français, qui emploie une centaine de salariés, dont la moitié en magasin.

Si ce HEC a lancé sa marque en ouvrant une page Facebook sur laquelle il écoula sa première commande de 600 slips made in France, il sait l’importance que revêt encore le magasin. « En France, moins de 20 % des ventes de vêtements se font en ligne, soit bien moins qu’aux Etats-Unis ou au Japon. Beaucoup de gens ont encore besoin de relation avec un vendeur », estime celui qui a commencé dans les supermarchés Bio c’ Bon.
Une collection de boxers née en magasin

Antoine Vigneron partage le même constat. Avec Thibault Repelin et Guillaume Alcan, il crée en 2012 M. Moustache, qui conçoit des chaussures « pour trentenaires cool, plutôt haut de gamme, mais pas inabordables ». Les premières collections sont vendues en ligne, popularisées par les réseaux sociaux. Rapidement référencée dans les grands magasins, la marque ouvre sa première boutique dans la capitale en 2016, puis une deuxième en 2018. Elle compte en ouvrir une petite vingtaine d’ici trois ans. De quoi alimenter une croissance des ventes qui pourraient atteindre 8 millions cette année (contre 5 en 2018).

Malgré la puissance d’Amazon, « tout le monde n’achète pas sur le Web, rappelle Antoine Vigneron, et en particulier la clientèle masculine qu’on visait en priorité à nos débuts ». Il interroge : « Quels sont les freins à l’achat, ou au contraire qu’est-ce qui séduit le client et pourquoi ? Ce sont des informations essentielles, que l’on collecte facilement en boutique, pas sur Internet ». La collection de boxers pour femmes, lancée en 2018 par Le Slip Français est d’ailleurs née des échanges en magasin entre vendeurs et clients, rappelle Guillaume Gibault. Désormais, les collections femme représentent 10 % du chiffre d’affaires de la société.

La vitrine d’un magasin, c’est aussi celle de la marque. En ouvrant des boutiques, ces jeunes entreprises franchissent un cap en termes de notoriété. « Ouvrir un point de vente en ville, dans un quartier fréquenté, c’est un gage de légitimité », ajoute Antoine Vigneron.

Bien sûr, on ne s’improvise pas gérant de magasin. Trouver des emplacements, recruter des équipes, gérer des stocks… C’est un autre métier mais les jeunes entrepreneurs qui ont prospéré avec les codes du Web apprennent vite. Et le jeu en vaut la chandelle : le coût d’acquisition client est bien moins élevé dans le monde réel que dans le monde virtuel.

Les marques prennent soin de ne pas dénaturer leur image, forgée sur Internet. Dans les boutiques Le Slip Français, l’univers un peu décalé de la marque , à la fois potache et cool, est respecté, tout comme l’importance accordée au made in France. « Ces marques ont développé sur le Web des identités fortes, qui leur ont permis de percer. Il ne faut pas décevoir le client dans les points de vente », assure Emmanuel Pradère, associé du fonds Experienced Capital, actionnaire du Slip Français et de Balibaris .

L’univers chic et bohème de Sézane se retrouve dans ses points de vente. « On a vraiment pensé L’Appartement comme un lieu de vie, expliquait la directrice marketing Emilie de Montmarin, dans « Le Monde ». Et on se demande sans cesse : qu’est-ce qu’on peut y faire de plus pour les clients ? ». Une conciergerie est adossée au « flagship » parisien pour faciliter les retraits de commandes en ligne, ou les retours. Il faut toujours choyer ses premiers clients.

Se pose évidemment la question de la pérennité. « Si elle veut durer, une marque de prêt-à-porter ne peut pas rester 100 % digitale », estime Emmanuel Pradère. Le passage du Web aux magasins fait figure de test, selon l’expert, mais peut aussi être l’occasion d’enclencher un nouveau cycle de croissance. « Avant même que les ventes plafonnent, il faut envisager une stratégie complémentaire de distribution physique. Cela permet même d’augmenter les revenus générés en ligne. »

Entré au capital du Slip Français en octobre 2016, Experienced Capital a accompagné la montée en puissance du réseau avec 12 points de vente en deux ans. « Une marque née sur le Web qui réussit son passage dans le retail physique devient plus solide, mieux installée face à la concurrence », explique Emmanuel Pradère. En deux ans, les revenus du Slip, qui vend aussi chaussettes, tee-shirts ou pulls, ont plus que doublé pour atteindre près de 21 millions d’euros, avec 800.000 pièces vendues en 2018.

Experienced Capital n’est pas le seul à lorgner ces nouvelles pépites du prêt-à-porter à la française. D’autres fonds, encore plus imposants, s’y intéressent. L’américain General Atlantic, dont le portefeuille d’actifs avoisine les 25 milliards de dollars, a fait une entrée fracassante chez Sézane l’an dernier, en rachetant la part d’un autre fonds, Summit Partners (entré en 2016). Il devrait permettre d’accélérer l’internationalisation des ventes de la marque. Faire entrer un fonds au capital, M. Moustache y pense très sérieusement. Si les ouvertures de boutiques sont pour l’instant financées par la dette, Antoine Vigneron reconnaît que, « à terme, il faudra renforcer les fonds propres » pour accompagner la croissance. « C’est une question de temps ».

Cet intérêt des fonds valide en tout cas le modèle et la complémentarité entre vente en ligne et boutiques. Mais tous en conviennent : le Web restera la priorité. « On a de l’avance, il faut en profiter », déclare Guillaume Gibault, qui ne veut pas décevoir les 400.000 fans de la marque sur les réseaux sociaux. Et accessoirement, les marges seront toujours plus importantes sur le Web.

 

 

 

Source : Les Échos
(Lire l’article original
ici – sur abonnement)